
Des attaques incessantes contre le transport de malades
Un pas de plus a été franchi par le gouvernement BAYROU contre le transport de malade par taxis sous le prétexte fallacieux de faire des économies. C’est une attaque qui remet en cause les fondements même de la prise en charge des assurés sociaux par les taxis. À chaque renouvellement de la convention, les taxis conventionnés ont déjà dû accepter de trop nombreuses concessions en bafouant ce qui définit le taxi, en l’occurrence le tarif réglementé et la tarification horokilométrique. Aujourd’hui, la limite est atteinte.
Le taxi et la Sécurité sociale : une dépendance vitale
Ce rejet massif de la nouvelle convention 2025 par les taxis conventionnés est l’occasion de revenir sur cette activité du transport de malade qui fait travailler 40 132[1] taxis en France sur environ 62 300[2] taxis, soit 65 % de la profession. Si l’on considère le montant des dépenses taxis de l’assurance maladie de 2023, soit 2,88 milliards d’euros[3] de facturation, cela donne une moyenne annuelle de 71 763 € par taxi. Il y a donc à l’évidence une dépendance très forte, voire vitale pour beaucoup de taxis vis-à-vis du système de la Sécurité sociale. En effet, ces chiffres montrent qu’une grande partie des taxis tirent aujourd’hui leurs revenus exclusivement de la Sécurité sociale.
La Sécurité sociale : une revendication historique de la classe ouvrière
Rappelons que le concept porté par Sécurité sociale, c’est-à-dire une protection sociale avec un égal accès aux soins pour tous, indépendamment de leurs ressources, est une revendication historique de la classe ouvrière. Cette revendication fondamentale est devenue une réalité pour tous en 1945. En effet, grâce à l’avènement du programme du Conseil National de la Résistance (CNR) et à la forte influence des communistes qui ont payé un lourd tribut en vies humaines dans la résistance face au nazisme alors que la majorité du patronat s’était compromise dans la collaboration. C’est d’ailleurs sous la direction du camarade Ambroise CROIZAT, de la CGT et du Parti Communiste, qu’a été mis en place ce système de solidarité nationale en 1945 et les années suivantes, « où chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ».
D’une Sécurité sociale gérée par les travailleurs à sa récupération par le patronat
À l’origine, la Sécurité sociale était gérée par des travailleurs, militants syndicalistes. C’est la mise en place de la démocratie sociale et la reconnaissance du rôle politique de la classe ouvrière. Évidemment, cela permettait également de lutter contre la tendance des patrons à freiner ce système contraire à leurs intérêts, à leurs idéologies basées sur l’individualisme et l’obsession permanente des profits aux dépens de travailleurs.
Malheureusement, dans les années qui ont suivi sa création et jusqu’à aujourd’hui, le patronat avec son porte-voix et son bras armé, les gouvernements successifs de droite, n’ont eu de cesse de tout mettre en œuvre pour détruire ce système. Au fil des années, les travailleurs ont été dépossédés par l’Etat de leur rôle majoritaire. La Sécurité sociale représente en effet à tout ce que le patronat exècre : la solidarité nationale, la redistribution des richesses, la prise en main par les travailleurs de leur destinée… Depuis des dizaines d’années, ce ne sont plus les travailleurs qui gèrent cet outil mais l’État, ce qui a entraîné de nombreuses attaques contre la Sécurité sociale au détriment des assurés sociaux.
Pour ne citer qu’un des fossoyeurs de la Sécurité sociale, il faut bien sûr évoquer SARKOZY, l’ennemi affirmé des travailleurs et donc du taxi. Il s’est en effet illustré par ses attaques contre le modèle social français issu du CNR lors de son mandat présidentiel (2007-2012). Celui qui a mieux résumé cette politique, c’est Denis KESSLER, vice président du MEDEF, organisation patronale, qui déclarait en évoquant les destructions de SARKOZY : « La liste des réformes [de SARKOZY] ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »[4].
Des taxis qui vivent de l’argent de la Sécurité sociale mais qui votent à droite
Cela nous permet de souligner une contradiction profonde chez les taxis largement dépendants de cet argent de la Sécurité sociale comme nous l’avons vu. La plupart de ces taxis sont artisans. Or, d’après les différentes études, statistiques ou sondages, il apparaît que cette catégorie socio professionnelle, les artisans (classés dans les professions intermédiaires), vote majoritairement à droite, voire même ces dernières années à l’extrême droite. Aux dernières législatives de 2024 par exemple, les électeurs travaillant à leur compte ont voté à 59 % pour la droite et l’extrême droite[5]. Or, comme nous l’avons déjà rappelé, tous les gouvernements de droite n’ont eu de cesse de détruire la Sécurité sociale, ce qui remet inévitablement en cause le budget dédié à la Sécurité sociale et donc aux transports de patients !
Pourquoi voter pour son bourreau ?
C’est là une contradiction profonde car la droite a toujours tenté de détruire la Sécurité sociale, soit en appauvrissant la Sécurité sociale en offrant des dizaines de milliards d’exonérations aux grandes sociétés (le fameux « trou de la Sécu »), soit en supprimant ou en plafonnant les prestations de remboursement rendant obligatoire aujourd’hui la souscription d’une complémentaire santé privée par exemple. Le taxi, au vu de sa dépendance, ne peut être que la victime d’une telle politique ! Pourquoi voter pour son bourreau ?
Il est d’ailleurs étonnant de voir aujourd’hui des députés de droite comme Jérôme NURY[6] ou Fabrice BRUN[7], tous deux du groupe « Droite Républicaine » et donc premiers soutiens du gouvernement BAYROU, interroger ce même gouvernement sur les conséquences désastreuses de la loi qu’ils ont eux-mêmes votée ! C’est d’ailleurs ce que rétorque à juste titre le député communiste Jean-Paul LECOQ à Fabrice BRUN quand il lui rappelle que « C’est votre gouvernement ! »[8] qui a fait voter la loi de financement de la Sécurité sociale qui a engendré cette nouvelle convention au rabais !
Le budget de la Sécurité sociale : une question éminemment politique
Cet un élément primordial : cette convention ne tombe pas du ciel, elle n’est pas écrite après des négociations avec les syndicats ou les fédérations, non, elle est la conséquence d’un vote à l’Assemblée nationale par la majorité parlementaire. La responsabilité de cette loi incombe donc bien au gouvernement de droite de François BAYROU et aux parlementaires de droite qui ont rendu possible sa promulgation.
Une profession réglementée comme le taxi va à l’encontre de la doctrine libérale de droite
Les attaques des gouvernements de droite ne se sont d’ailleurs pas limitées à attaquer la Sécurité sociale, ce sont également eux qui ont porté une des plus grave atteinte à notre métier avec la création des véhicules de transport avec chauffeur (VTC). C’est en effet le gouvernement FILLON, toujours sous la baguette du président SARKOZY, qui a créé les VTC (loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, dite loi Novelli[9]). Ces politiques de droites ne jurent, en apparence que par la concurrence, or le taxi qui échappait à cette économie de marché leur est insupportable. Nous sommes donc pour eux une anomalie, d’autant plus quand nous vivons grâce à l’argent des cotisations sociales (qu’ils préfèrent nommer « charges sociales »).
Des fédérations patronales…
Cette contradiction politique des taxis est renforcée par le positionnement « patronal » des fédérations de taxis[10]. Cela s’explique en partie par le fait qu’elles peuvent être effectivement dirigées et contrôlées par des patrons de sociétés aux activités diverses et variées. Pour la CGT-Taxis, il est évident qu’un conducteur seul qui conduit lui-même n’a pas les mêmes intérêts qu’un patron de société, encore plus quand celles-ci font du VTC, de l’ambulance, du VSL, des pompes funèbres… De plus, les organisations patronales en général, sont en opposition à ce système de solidarité nationale. Encore une fois, si ce ne sont pas les fédérations qui écrivent les lois, leur positionnement à droite est en contradiction avec la réalité du secteur puisque répétons-le, le taxi vit en grande partie grâce à l’argent de la Sécurité sociale.
Encore une position dogmatique du gouvernement Bayrou
Pour preuve que nous sommes face à une position dogmatique, il suffit de considérer la faible part du budget alloué au transport de taxi par rapport aux dépenses totales de la Sécurité sociale. Le transport de malade en taxi correspond seulement à 0,45 % du budget total de la Sécu ! Soit 2,88 milliards sur les 643 milliards de dépenses[11]. C’est insignifiant !
Il est donc évident que ça n’est pas le transport de malade qui met en difficulté le régime de la Sécurité sociale mais plutôt toutes les recettes amputées par les politiques des gouvernements successifs de droite. Ces sommes qui sont offertes aux grandes entreprises de manière opaque et visiblement sans contrôle[12] [13], s’élèvent à plus de cent milliards d’euros par an, soit environ 15% des recettes de la Sécurité sociale ! Offrir des centaines de milliards à des grands groupes qui les redistribuent immédiatement en dividende à leurs actionnaires puis réclamer aux travailleurs du taxi de faire des sacrifices à hauteur de 300 millions, c’est scandaleux !
Les artisans taxis doivent donc inévitablement sortir de cette contradiction et prendre conscience qu’à chaque fois que le taxi a été attaqué, directement ou indirectement, cela venait de gouvernements de droite ! De même, nous devons avoir conscience que la Sécurité sociale, est le fruit d’un long processus politique de gauche et que la droite n’a eu de cesse de pulvériser cet outil tout en enrichissant les rentiers. Les taxis sont des travailleurs et il n’est pas dans leurs intérêts de s’identifier aux patrons. Tant que cette contradiction ne sera pas résolue, il est certain que notre situation continuera à se dégrader.
Le secrétariat de la Chambre Syndicale Des Cochers Chauffeurs CGT-TAXIS
[1] Assurance Maladie, https://www.capeb09.fr/userfiles/files/Ptaxi.pdf
[2] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/les-taxis-et-vtc-acces-la-profession-offre-de-transport-equipement-rapport-2024-de-lobservatoire
[3] https://www.capeb09.fr/userfiles/files/Ptaxi.pdf
[4] https://blogs.mediapart.fr/republicain/blog/191211/denis-kessler-il-sagit-de-defaire-methodiquement-le-programme-du-cnr
[5] https://www.ipsos.com/fr-fr/legislatives-2024/sociologie-des-electorats-legislatives-2024
[6] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/questions/QANR5L17QE8194
[7] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/questions/QANR5L17QG694
[8] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/questions/QANR5L17QG694
[9] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000020893055
[10] https://www.cpme.fr/search?q=taxi
[11] https://www.securite-sociale.fr/la-secu-cest-quoi/chiffres-cles
[12] https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/111022/160-milliards-d-aides-publiques-par-un-pognon-de-dingue-pour-les-entreprises
[13] https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/07/02/aides-publiques-aux-entreprises-ces-dizaines-de-milliards-d-euros-verses-sans-transparence-ni-suivi_6617319_3234.html