10/06/2021 Rapport des commissions locales : toujours aucune statistique !

La CGT-Taxis se demande comment l’autorité de tutelle peut administrer et gérer notre secteur d’activité sans disposer des connaissances statistiques nécessaires et des outils permettant d’avoir une vision d’ensemble ? À ce manque de statistique, s’ajoute un autre problème majeur selon nous : à quel prétendu besoin les VTC sont-ils venus répondre ? Pour la CGT-Taxis en effet, il semble évident que les VTC dans leurs manières de travailler au quotidien, avec la complicité des plateformes, ne sont ni plus moins que des contrefaçons de taxis.

Lettre de la CGT à la Préfecture de Police de Paris suite à sa demande d’éléments pour constituer le rapport 2020 sur le secteur du transport particulier de personnes

Paris, le 7 juin 2021

Objet : rapport 2020 de la commission des transports publics particuliers de personne

Monsieur le sous-directeur,

Il nous semble tout d’abord important de rappeler que pour la Chambre Syndicale des Cochers Chauffeurs CGT-Taxis les questions fondamentales ne sont pas abordées dans ces commissions. Pour faire simple, aucun constat n’est tiré de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, dite loi Novelli. C’est pourtant cette loi qui est à l’origine du chaos du secteur en créant les VTC sans qu’aucun encadrement ne soit prévu. Nous en restons malheureusement dans ces commissions à tenter de traiter uniquement les multiples conséquences de cette néfaste loi sans en analyser les causes profondes.

La CGT-Taxis tient donc à réaffirmer en introduction à un éventuel rapport 2020 que cette loi n° 2009-888 est un échec aux conséquences désastreuses pour la plupart des acteurs historiques bien sûr, comme les taxis ou les grandes remises, mais aussi pour les nouveaux acteurs créés par cette loi, ce qui est paradoxal ! Bien sûr, le consommateur se retrouve également victime de cette situation ou la confusion règne. Ce manque de repère est d’ailleurs propice au développement de l’insécurité et des escroqueries en tout genre pour nos potentiels usagers.

Ensuite, la CGT-Taxis s’étonne de se voir demander des éléments statistiques par notre autorité de tutelle. Selon nous, c’est à cette même autorité qu’il revient de fournir ceux-ci. C’est d’ailleurs l’objet de nos nombreuses demandes depuis des décennies, tant au niveau local qu’au niveau national. En effet, tout le monde s’autorise à donner son avis sur notre profession alors qu’aucune étude scientifique n’existe à ce jour. D’ailleurs, nous nous demandons comment vous pouvez administrer notre secteur sans disposer des connaissances statistiques nécessaires ou des outils vous permettant d’avoir une vision d’ensemble du secteur ? Votre administration a besoin de moyens, tant humains que matériel, pour répondre à ses obligations. Nous constatons bien aujourd’hui que vos moyens ne sont pas proportionnels aux besoins du secteur. Une telle situation ne peut que décourager les meilleures volontés.

Malheureusement, depuis des années, toutes nos revendications de disposer de données fiables sont restées lettres mortes. Nous ne savons pas par exemple combien de chauffeur taxi sont réellement en exercice. Nous ne savons pas combien d’ADS sont réellement exploitées. Nous ne connaissons pas la part des salariés, des locataires, des coopérateurs, des artisans,…Et concernant les données sur les VTC, c’est bien sûr impossible à produire puisque, par définition, ces chauffeurs peuvent exercer partout en France, sans restriction géographique et indifféremment de leur siège social. Ce problème de l’indisponibilité de données fiables constitue un problème majeur déjà déploré par les députés Thevenoud en 2014 et Grandguillaume en 2016. Un rapport d’activité qui ne disposerait pas de ces informations aurait un intérêt limité.

À ce manque de statistique, il s’ajoute un autre problème majeur selon nous. La CGT-Taxis n’a en effet jamais eu de réponses claires des autorités sur une question essentielle du secteur, à savoir quel est le rôle de chaque acteur du transport particulier de personne ? À quel prétendu besoin les VTC sont-ils venus répondre ? Il s’agit bien sûr ici du problème de la nature de l’activité des VTC qui n’a jamais été définie clairement. Sans réponse à cette question essentielle, tout rapport serait également biaisé.

Pour la CGT-Taxis en effet, il semble évident que les VTC dans leurs manières de travailler au quotidien, avec la complicité des plateformes, ne sont ni plus moins que des contrefaçons de taxis. Leurs nombreuses années d’existence démontrent aujourd’hui ce que la CGT-Taxis prédisait dès 2009. Les VTC passent la majeure partie de leur temps en attente de clientèle sur la voie publique, ce qui est légalement le propre des taxis. Ils occupent donc l’espace public en permanence et en toute illégalité. Les autorités n’ont pas mis en place les moyens de contrôle indispensables (est-ce possible d’ailleurs et y a-t-il la volonté politique de le faire ?) mais surtout, le rôle de ces véhicules s’apparente clairement à de la contrefaçon de taxi, ce qui n’est pas acceptable.

Il apparaît donc de manière évidente qu’aujourd’hui la libéralisation du taxi via le VTC n’a fait que précariser un secteur déjà fragile. La CGT-Taxis et d’autres syndicats n’ont pourtant pas cessé de dénoncer cela. L’histoire du taxi, que ce soit avec les échecs de la marque libre dans les années trente ou avec celui de l’instauration des voitures de petites remises avait pourtant démontré le besoin d’une régulation forte et d’une définition précise du rôle de chacun.

A ces problématiques économiques et sociales s’ajoute la question de la pollution et de la saturation du trafic générées par cet afflux incontrôlé de véhicule particulier, notamment à Paris. L’époque actuelle avec la prise de conscience de l’urgence environnementale devrait pourtant inciter à revoir les dogmes libéraux qui ont entraîné la casse du secteur. Ce problème ne semble pourtant pas à l’ordre du jour de ces commissions. Cette augmentation disproportionnée et sans aucun contrôle du nombre de véhicule circulant dans Paris a indiscutablement eu des conséquences désastreuses. Car en plus d’être des contrefaçons de taxi, il est avéré que les VTC ont notamment contribué à l’aggravation de la situation environnementale. C’est ce que démontre une étude de septembre 2019 de l’ONG Transport & Environment[1]. C’est donc là une question de santé publique et la CGT-Taxis vous demande de vous saisir de ce problème.

Pour conclure, la CGT-Taxis vous demande dans un premier temps de mettre en place des outils statistiques fiables (cartes professionnelles en cours de validité, ADS exploitées, pyramide des âges, répartitions des sexes, durée de vie dans la profession,…) Dans un deuxième temps, il apparaît urgent, tant au niveau local que national que des groupes de travail se mettent en place afin que cesse la situation actuelle ou les VTC ne font ni plus ni moins que du taxi sans en subir les contraintes. Il est anormal que des chauffeurs faisant la même activité n’aient pas les mêmes règles d’exercice. Enfin, l’urgence sociale, économique et environnementale, doit vous amener au plus vite à revenir à une régulation stricte du nombre d’acteur et à une définition précise du champ d’activité de chacun. Il est évident aujourd’hui que lier notre destin à la croyance que l’offre créerait la demande est un échec total. La paupérisation totale du secteur en est la démonstration flagrante. C’est une évidence depuis toujours pour la CGT mais ça ne semble pas être le cas pour tout le monde. Un rapport qui n’aborderait pas ces points là serait de peu d’utilité et conduirait le secteur à l’échec.

Cordialement,

Pour la CSCC CGT-Taxis,

Un secrétaire : K. ASNOUN


[1] https://www.transportenvironment.org/news/uber-and-lyft-increase-pollution-and-undermine-public-transport-study-shows