« Le mauvais temps, la crise financière, immobilière et planétaire, c’est à cause des taxis parisiens ! »

Un taxi en colère répond à une journaliste

Madame,

Suite à votre article de ce mardi 1er octobre sur les taxis parisiens, paru page 14 du Figaro, je me permets, en tant que simple « petit » chauffeur de taxi, de vous écrire ces quelques lignes entre deux courses.

Voilà maintenant 10 ans que je suis sur le bitume. Savez-vous ce qu’est une guerre Madame la journaliste ? Car à lire vos titres (« la guerre des taxis ») on serait à Damas ou Bagdad ! Soyons un peu plus sages et pondérés.

Comme un bon père de famille que j’essaie d’être, je vais vous dire ce qui va et ce qui ne va pas dans votre rédaction, confortablement installée dans ce magnifique bâtiment du boulevard Haussmann.

Pour faire court : hormis le fait de rapporter ce que chantent les uns et les autres, vous ne faites que confirmer une vérité bien connue sur le prix plus élevé des VTC par rapport au taxi.

En revanche,  vous oubliez d’écrire que les VTC n’ont pas droit aux voies de bus (et qu’ils sont donc plus lents que les taxis) et que nos tarifs sont réglementés par l’état ce qui est un gage de modération pour nos usagers. Les VTC sont donc  moins efficaces et ont une moins bonne connaissance de la ville.

Vous parlez ensuite des entreprises de VTC (vous utilisez le mot « Start-up » tellement plus tendance…)  comme des sauveurs de l’économie française face aux vilains taxis. En gros, d’après vous,  le mauvais temps, la crise financière, immobilière et planétaire, c’est à cause des taxis parisiens !

Tout de même, c’est rigolo ce regrettable acharnement que beaucoup de journalistes mal informés peuvent avoir contre nous, simples chauffeurs de taxi. Votre méconnaissance de la profession qui confine au dénigrement  est absolument effrayante. Je me souviens d’un article paru il y quelques années dans le Parisien, un de vos confrères écrivait que le samedi soir une course en taxi de la place Saint Germain des Près à la place de la Bastille en taxi coutait 25 €. Quelle désinformation ! En vérité, lorsque c’est fluide ça ne dépasse pas une dizaine d’euros ! C’est absolument incroyable ! Quelle crédibilité ?

Mais votre méconnaissance du sujet traité ne s’arrête pas là puisque vous parlez encore de « numerus clausus ».  Or, ce « numerus clausus » n’existe plus puisque la préfecture de police délivre des centaines de licences chaque année !

Sachez Madame que le taxi est l’école de la vraie vie car nous côtoyons chaque jour toutes les classes sociales (confondues), peut-être plus fréquemment que vous.

Continuons : d’après vous, il n’y aurait pas assez de taxis ? Vous êtes comme certains de mes passagers qui regardent beaucoup la série Sexe & City où l’on peut voir la formidable Sarah Jessica Parker héler un taxi et hop, en voilà douze qui s’arrêtent ! On appelle cela du cinéma, car d’expérience vécue, on a du mal partout aux heures de pointe à trouver un taxi. A Time Square, à Madison Avenue ou sur les Champs…Dans n’importe quelle ville du globe c’est comme cela. Sachez qu’à New York ils sont moins nombreux que les taxis parisiens mais tous concentrés dans Manhattan.

Vous semblez vous étonner du prix des licences de taxi à Paris. Un de mes cousins a acheté son médaillon (licence de taxi à New York) 1 million de dollars. La  valeur d’une licence à Hong-Kong est quand à elle de 300 000€ etc… Voilà pour la connaissance générale du taxi.

Vous vous attardez ensuite sur des cas particuliers de clients n’ayant pas pu trouver de taxis.  En quoi quelques cas particuliers seraient représentatifs d’une situation générale ? Quelle chance laissez-vous aux taxis de pouvoir répondre à ces critiques ?

Oui, il est vrai qu’à certaines heures c’est plus difficile de trouver un taxi. Mais hors périodes de pointes (soit 80% du temps) avez vous fait attention  aux stations de taxis qui débordent et aux chauffeurs qui galèrent souvent plus d’une heure pour une course à 6,60 € ?

Leçon n° 1 : un samedi soir de fin juin torride, ajouté à cela la fashion week cumulée de 2 ou 3 salons, il sera évidement plus difficile d’être servi à la minute. Je l’admets.

Leçon n° 2 : le même jour début janvier, il n’y aura que l’embarras du choix pour choisir votre taxi parmi les centaines de véhicules en souffrance dans les stations.

C’est pour faire simple car cela, vous ne pouvez l’ignorer.

Mon père est toujours taxi, comme l’était mon grand père grièvement blessé une nuit lors d’une agression. Ça aussi, cela peut arriver. Les conditions épouvantables de travail aussi : prix des locations de taxis, répression policière, radars, risques d’accidents, stress et conduite parisienne, indiscipline des 2 roues…

Quel est le minimum de respect et de retenue envers les travailleurs du taxi ? L’année dernière un taxi a été mortellement blessé à l’arme blanche par un « client » et laisse une veuve et 2 enfants: je regrette qu’à cette triste occasion, il n’y ai pas eu un article sur la souffrance des taxis.

Je suis peiné et triste du peu de considération que vous accordez à notre métier. Avez-vous consulté des chauffeurs pour qu’ils puissent exprimer leurs versions ? Cela aurait été plus constructif.

Bon bref, je n’ai plus le temps, une petite Amélie me hèle au bord du trottoir…

De toute façon je crois que je n’ai plus rien à vous dire.

Bien cordialement.

H. Jugurtha