L’intersyndicale répond au député THEVENOUD

L’intersyndicale regrette tout d’abord que dans les 30 propositions ses revendications majeures, qui auraient pourtant permis à ce que les VTC ne fassent plus du taxi, n’aient pas été prises en compte. Il s’agissait de faire des VTC un véritable service haut de gamme (formation et examen qualifiant, course minimum, véhicule de prestige,…). Or l’intersyndicale ne retrouve pas ces éléments dans les propositions du député.

Monsieur le Député,

Notre intersyndicale (CFDT, CGT, CST, FO, STM et SDTCP) composée des organisations nationales de chauffeurs de taxis s’est constituée afin de lutter contre les conséquences néfastes de la loi du 22 juillet 2009 qui a engendré les VTC. Le taxi de France est en effet en danger depuis que nous constatons que ces VTC font en réalité du taxi sans en supporter les nombreuses contraintes (réglementaires, administratives,…).

Devant l’absence de prise de conscience de l’ancien gouvernement face à l’ampleur de ce problème, notre intersyndicale a été contrainte de mobiliser la profession à Paris mais aussi à Marseille, Lyon,… Après de nombreuses mobilisations, le gouvernement vous a désigné pour tenter de trouver une issue à ce problème.

Notre intersyndicale ne se positionnera donc que sur les points de votre rapport qui tentent de répondre à la déréglementation sauvage du transport de personne puisque c’est l’origine même de notre mouvement. Comme nous vous l’avons répété à plusieurs reprises, il convient de régler ce problème urgent avant de se poser des questions, sans doute légitimes, sur le taxi.

Exercice illégal de l’activité de taxi

Nous regrettons tout d’abord que dans vos 30 propositions nos revendications majeures, qui auraient pourtant permis à ce que les VTC ne fassent plus du taxi, n’aient pas été prises en compte. Il s’agissait de faire des VTC un véritable service haut de gamme (formation et examen qualifiant, course minimum, véhicule de prestige,…). Or nous ne retrouvons pas ces éléments dans vos propositions.

Nous vous demandons donc, dans le cadre de votre projet de loi de prendre en compte cette problématique essentielle qui consiste à distinguer clairement l’activité de taxi de celle de VTC. Car, si les VTC apportent le même service que les taxis, aux mêmes clients que les taxis et aux mêmes prix voire à des prix inférieurs à ceux des taxis (au prix d’un dumping social inacceptable), vous ne résolvez pas le problème et cela constituerait une rupture du principe d’égalité au détriment des taxis. Ce sont des milliers d’emplois qui sont menacés de destructions.

Vos propositions, par contre, tentent de palier au vide juridique qui existe aujourd’hui dans le domaine du transport de personne, cinq ans après la création de la loi de 2009. Cela est évidemment indispensable même si nous vous rappelons que cela ne suffira pas à résoudre le problème que constitue ces nouveaux acteurs qui, jusqu’à présent, font véritablement du taxi. Certains points que vous soulevez méritent cependant des précisions, pour que les chauffeurs puissent se déterminer en connaissance de cause.

Positionnement physique des VTC

Le premier point qui nécessite des précisions concerne le positionnement physique des VTC entre deux « réservations ». Vous avez à juste titre réaffirmé l’interdiction pour les VTC de stationner et de circuler sur la voie publique sans réservation préalable (art. L231-3 du code du tourisme), ce qui est la moindre des choses. Mais par contre, vous ne précisez pas la conséquence de ce texte : si les VTC ne peuvent ni circuler, ni stationner sur la voie publique sans clientèle, où doivent t-il être ?

Il conviendrait donc de palier à ce manque en précisant clairement qu’en conséquence du L231-3, un VTC sans réservation préalable sera dans l’obligation de retourner à son siège (qui devra être clairement défini lors de l’immatriculation). Sans cela, le L231-3 ne serait qu’un artifice. Cela est tout a fait réalisable et c’est d’ailleurs comme cela que les taxis fonctionnent : quand un taxi versaillais dépose un client dans Paris, il ne peut prendre un client sur la voie publique à Paris et il a l’obligation de revenir sur sa commune de rattachement, en l’occurrence Versailles (art. L3121-11 du code des transports).

A ce titre, votre proposition n°14 semble incomplète, car si elle prévoit « une régionalisation de l’immatriculation » elle ne prévoit pas une sectorisation de l’activité. Or, dans un souci de répartition et d’équilibre, mais aussi de contrôle, il semble indispensable de sectoriser l’activité des VTC. De la même manière, il faut absolument contingenter le nombre de VTC mais aussi des LOTI sans quoi le secteur du transport de personne « porte à porte » court à sa perte et, encore une fois, la première conséquence de cette libéralisation serait la destruction de milliers d’emplois directs ou indirects.

L’intersyndicale n’a d’ailleurs pas eu de réponse du gouvernement sur la volonté de l’Etat de s’introduire sur ce marché du VTC/LOTI à travers la multinationale TRANSDEV. Il est évident que l’apparition d’un acteur avec un tel poids économique dans ce secteur entrainerait de graves déséquilibres. L’intersyndicale vous redemande donc ce qu’il en est de ce projet car sans un Etat fort et une législation adaptée, les chauffeurs de taxis ne pourront pas lutter contre le cartel des milliardaires que sont les TRANSDEV, UBER et compagnies.

Enfin, et toujours dans le but de rendre applicable l’article L231-3 du code du tourisme, il conviendrait de considérer qu’un véhicule est VTC en permanence, sans quoi, il serait impossible de déterminer si le véhicule est en usage privé ou professionnel, ce qui rendraient les contrôles impossible et inopérant.

L’intersyndicale vous demande donc Monsieur le Député, si vous comptez intégrer ces éléments essentiels dans le projet de loi prévue pour encadrer les VTC et les LOTI ?

Positionnement virtuel des VTC/LOTI

Nous venons de le voir, les VTC, pour être en conformité avec la loi, n’ont rien à faire sur la voie publique sans réservation préalable. Qu’en est-il de leur présence dématérialisée, virtuelle sur internet et les applications mobiles ?

Dans ce cadre dématérialisé, nous rejoignons bien entendu votre proposition numéro 19 qui prévoit l’ « interdiction de la maraude électronique » au VTC, même si le terme « maraude » est quelque peu impropre. Le client ne doit évidemment pas avoir la possibilité de situer un véhicule sous quelque forme que ce soit (distance, temps…) ou, toutes autres informations qui impliqueraient d’enfreindre l’article l231-3 du code du tourisme (nombre de véhicule dans une zone donnée par exemple).

Cette interdiction de la géolocalisation dans la relation clients/VTC est en effet indispensable. Le client doit réserver ces modes de transports (VTC/LOTI), ce qui implique un délai entre la commande du service et sa consommation. L’intersyndicale vous avait demandé de vous inspirer de ce qui se passe notamment aux Etats-Unis où le législateur impose à juste titre un délai conséquent (1H00 par exemple à Las Vegas) entre l’appel du client et la course « VTC ».

Par contre, l’intersyndicale considère que le législateur devra imposer la géolocalisation à tous les types de transport de personnes car cela sera pour lui le seul moyen efficient de contrôler le respect de la réglementation et de sanctionner efficacement les infractions des VTC/LOTI.

Cela permettrait aussi de contrôler les temps de conduites des chauffeurs VTC/LOTI qui est un élément qui ne figure malheureusement pas dans votre rapport, alors qu’un temps de conduite non contrôlé  est un facteur de danger pour les clients de ces services en particuliers comme pour les usagers de la route en général.

Il parait donc indispensable de créer une base de données VTC/LOTI qui permettra de bénéficier de leur position en temps réel, sans communication de cette géolocalisation vis à vis d’un client (avec un stockage des données au minimum de trois mois), indiquant également leurs statuts (réservé et pour quel trajet/libre). Ceci permettra notamment à l’état de veiller au respect ou  non des différentes législations, et, notamment, du L231-3 (auquel devra s’ajouter le retour au siège). La nouvelle réglementation devra donc intégrer également un dispositif de géolocalisation spécifique (boitier installé, plombé et vérifié lors des contrôles techniques semestriels des véhicules)  équipant les véhicules dédiés à cette activité. L’arsenal répressif devra bien sûr être prévu pour sanctionner les infractions et ne pas répéter les erreurs du passé, comme cela a été le cas avec le délit de racolage par exemple où les fonctionnaires de police n’avaient aucun outil pour sanctionner les racoleurs qui ont connus de ce fait un développement massif.

Cette mesure serait bien sûr complémentaire de votre proposition numéro 1, la création d’un « open data des taxis ». Nous aurions alors deux bases de données utilisant le même système de géolocalisation :

  • un open data des taxis obligatoire, garantissant son libre accès, son utilisation par tous sans restriction technique juridique ou financière ;
  • une base de données des autres véhicules de transports (VTC/LOTI) à des fins de contrôles et de statistiques utilisables donc par les seuls services de l’état et les organisations professionnelles (syndicats) sans possibilité de transmettre les informations à un tiers (client, entreprise).

Notre intersyndicale souhaite bien sûr être associée à l’ensemble des projets futurs sur ces bases de données (calendrier, cahier des charges, aspect juridiques et légaux,…).

Par ailleurs, vous mentionnez que la création d’une application dédiée au taxi n’est pas du ressort de l’état puisque relevant d’un secteur concurrentiel. Nous ne partageons pas ce point vue et ne considérons pas que la diffusion d’informations précises au client soit un secteur concurrentiel. Rien ne justifie ce choix, si ce n’est de considérer que certains diffuseront une information partielle, incomplète, spécifique. Nous pensons que  la création d’une application nationale taxi que l’Etat pourrait garantir et dans l’idéal développer, contribuerait à garantir un équilibre et serait vecteur d’une véritable vitrine pour les villes et les taxis comme vous le souhaitez (diffusion d’informations complémentaires en fonction du lieu où se situe le client et de ses centres d’intérêts par exemple). Cela serait le seul moyen à la fois d’offrir le plus grand nombre de taxis disponible aux usagers tout en garantissant à tous les chauffeurs de taxi de France un traitement équitable.

Une application développée par la puissance publique serait en effet en totale cohérence avec la notion de service au public que tous taxis doit remplir, contrairement à ce que vous affirmez en page 22 de votre rapport. D’ailleurs, vous savez que la ville de Paris est entrain de développer sa propre application taxi au niveau local, ce qui confirme bien que le gouvernement pourrait tout à fait créer ce service au niveau national.

Le développement de cet open data taxis couplé au développement d’une application officielle seront les éléments qui feront véritablement du taxi une vitrine pour les villes françaises et pour la France (interactivité de l’application avec annonce des événements…) et qui garantiront aux clients taxis la meilleure offre de taxi disponible (comment garantir, avec votre proposition, que l’ensemble des données collectées dans l’open data seront mises à la disposition des clients puisque ceci est du ressort du développeur et de son donneur d’ordre : par exemple une application pourrait masquer les taxis non affiliés à son application). Il en va, Monsieur le Député, de l’intérêt du plus grand nombre.

Enfin, nous aimerions savoir comment l’Etat prévoit de sanctionner les opérateurs d’application VTC/LOTI dans la mesure où cette offre de services est souvent dématérialisé et peut-être hors du territoire national.  Cette dématérialisation de l’économie numérique constitue un véritable frein aux pouvoirs des Etats en général. Comment l’Etat va affirmer son contrôle sur ce secteur « virtuel » face à des multinationales sans scrupules ? UberPop nous a démontré que tout et n’importe quoi était possible et, que malgré tout le corpus législatif français existant,  la lenteur inhérente à un Etat ne permettait pas de les stopper immédiatement. Qu’est t-il prévu pour que ces initiatives et provocations cessent, ne se reproduisent plus, et qu’enfin, la loi soit appliquée?

Nous vous demandons donc de prendre en considération nos demandes, sans quoi, les disfonctionnements constatés quotidiennement par les chauffeurs de taxis de France continueront. Nous souhaitons également connaître le calendrier précis de mise en place de vos différentes mesures car une fois encore, la gravité de la situation exige des actions rapides. Encore une fois, sans toutes ces mesures, ce sont des milliers d’emplois qui disparaitront de manière irréversible et nous sommes déterminés à défendre notre profession. Nous sommes bien sûr à votre disposition pour échanger avec vous afin de mettre fin au plus vite à cette situation qui n’a que trop durée.

Dans l’espoir d’avoir retenu votre attention recevez, Monsieur le Député, l’expression de notre considération distinguée.

Pour l’intersyndicale,

Karim ASNOUN

 

Réponse intersyndicale suite rapport Thévenoud 21-5-2014 cliquez ici