Réaction de la CGT-Taxis sur les propositions « TAXI » du député Thévenoud

Il se trouve que dans son rapport, le député Thévenoud aborde également le taxi. La Chambre Syndicale des Cochers Chauffeurs CGT-Taxis va donc, dans ce courrier, faire part de sa réflexion sur ces points, bien que la CGT insiste sur la nécessité de résoudre avant tout le problème essentiel que constitue le VTC.

Monsieur le Député,

Notre syndicat fait partie de l’intersyndicale des chauffeurs de taxis qui s’est constituée pour dénoncer les méfaits des VTC. Suite à la publication de votre rapport, notre organisation, dans le cadre de l’intersyndicale des chauffeurs de taxis de France, vous a rappelé les revendications de la profession, ses critiques et interrogations sur les points concernant le VTC (courrier de l’intersyndicale en date du 22 mai 2014).

Il se trouve dans votre rapport que vous abordez également le taxi. La Chambre Syndicale des Cochers Chauffeurs CGT-Taxis va donc, dans ce courrier, vous faire part de sa réflexion sur ces points, bien que nous insistions sur la nécessité de résoudre avant tout le problème essentiel que constitue le VTC.

Nous ne reviendrons pas sur l’open data à propos duquel nous nous sommes déjà prononcés dans le courrier de l’intersyndicale.

De la démocratie dans le taxi ?

Vous évoquez dans votre partie « 2.7. » la gouvernance du taxi. Nous regrettons que cette partie n’évoque pas du tout la mise en place de la démocratie dans le taxi. Pourtant, vous avez pu constater vous mêmes ces dernières semaines que la représentativité des chauffeurs était diluée par le nombre irrationnel d’organisations représentant la profession. De même, il est parfois difficile de distinguer les organisations de chauffeurs des organisations patronales.

Cette confusion est le fruit de quarante années de politique autoritaire menée par le Ministère de l’Intérieur qui se refuse à organiser des élections où les représentants de la profession seraient élus par les chauffeurs et non désignés par les préfets. La démocratie ce n’est pas d’écouter tout le monde mais d’écouter les organisations représentatives. Seules des élections vous permettraient d’atteindre cet objectif.

De même, les commissions de taxis doivent devenir délibératives et non pas comme c’est le cas partout en France aujourd’hui, uniquement consultative. Il en va de leur légitimité et de leur intérêt.

Si votre volonté est de moderniser le taxi, alors, Monsieur le Député, l’organisation d’élections est un préalable indispensable et nous sommes sûrs qu’un élu de la République ne peut qu’en convenir.

En finir avec la location

Vous semblez avoir pris conscience des difficultés des locataires et c’est tout à votre honneur. Notre organisation n’a eu de cesse, en effet, de dénoncer depuis des dizaines d’années la précarité induite par ce statut inhumain que nous assimilons à un véritable esclavagisme. Les Cochers Chauffeurs ont d’ailleurs été à l’origine des requalifications de ce contrat de « location » en ce qu’il est réellement, un contrat de travail.

Par contre, votre proposition pour améliorer ce statut (proposition n°10 : mettre en place le contrat de location gérance) ne permettra pas de cesser l’exploitation éhontée des chauffeurs par des loueurs sans scrupules. Ils auront toujours la liberté de fixer le prix de location qu’ils souhaitent, sans tenir compte de la dégradation des recettes ou du temps de travail nécessaire aux chauffeurs pour parvenir à les payer.

Nous vous demandons donc, Monsieur Thévenoud, d’aller au bout de votre raisonnement, en abrogeant ce statut et en obligeant le patronat à négocier une nouvelle  convention collective attractive et protectrice pour les chauffeurs. C’est une mesure indispensable pour mettre fin à la dégradation économique, sociale et structurelle de l’industrie du taxi, résultant de l’action conjointe des pouvoirs de tutelle et du patronat au détriment des chauffeurs et du service rendu aux usagers. L’abrogation de la location sera le seul moyen de véritablement sécuriser les relations contractuelles entre les employeurs et les chauffeurs. Cela mettra fin à cette situation injuste qui font de ces travailleurs des exclus de la juridiction salariale.

Maintenir l’équilibre économique dans le taxi

Notre organisation déplore les nombreuses créations de licences injustifiées qui ont eu lieu ces dernières années, aussi bien à Paris qu’en province.

En province, le clientélisme des municipalités prévaut souvent sur les besoins réels des populations en taxis. Certaines mairies allant parfois même jusqu’à se passer de l’avis des commissions préfectorales. Cette situation se traduit aujourd’hui par la dépendance vitale des taxis ruraux et des petites agglomérations vis-à-vis du transport de malades assis. Nous sommes devenus dépendants de cette clientèle parce que les usagers traditionnels des taxis étaient insuffisants voire inexistants dans de nombreux territoires.

A Paris, nous avons connu une augmentation du nombre d’autorisations de stationnement (ADS) de quasiment 30% en 10 ans ! Bien sûr, économiquement, rien ne justifiait ces créations. C’est là une des raisons, avec les VTC et la crise actuelle bien sûr, qui expliquent les difficultés des chauffeurs à parvenir, de nos jours, à un équilibre.

Pour ces raisons, et en réaction à votre proposition n°11, nous vous précisons qu’il serait dangereux de favoriser de nouvelles créations de licences et la CGT-Taxis s’y opposerait.

Toutefois, nous sommes tout à fait d’accord pour qu’en cas de délivrances de licences dans le futur, qui devraient bien entendu se justifier autrement que par les pratiques actuelles (clientélisme, pseudo indice économique,…), une licence délivrée gratuitement devra rester incessible. De même, seuls les chauffeurs (salariés et locataires non actionnaires) justifiant d’une activité de taxi pendant la période d’attente pourrait en bénéficier. Cela réduirait bien entendu les temps d’attente des chauffeurs pour bénéficier des ces ADS (comme c’était le cas avant la sinistre loi Pasqua de 1995). Cela dissuaderait aussi les opportunistes qui s’inscrivent aujourd’hui sur plusieurs listes, sans même exercer la profession, dans le but d’exploiter des chauffeurs qui se retrouveront avec des charges insupportables. Ces rentiers n’ont rien à apporter, ni aux chauffeurs, ni aux usagers.

D’ailleurs, pour assainir le taxi de France, les Cochers Chauffeurs CGT-Taxis vous demandent d’envisager la restitution aux préfectures et la redistribution aux chauffeurs (en activité et sur liste d’attente) de toutes les autorisations gratuites détenues par les employeurs.

Un prix juste passe par le taximètre

Nous regrettons également que souvent pour vous, modernisation est synonyme des pratiques des VTC ! Le forfait par exemple (propositions 7 et 8), qu’il soit pour la course d’approche ou pour les aéroports est un contresens pour les taxis qui se définissent justement par leur taximètre.

Quoi de plus juste que le taximètre puisque vous ne payez ce que vous consommez ! Toute autre forme de tarification pour un taxi ajouterait de la confusion pour nos usagers, ce qui n’est pas souhaitable évidemment.

De plus, nous devons vous rappeler, Monsieur le Député, que le néfaste protocole de 2008 nous a imposé de renouveler nos équipements et cela à des coûts très importants. Comment allez-vous expliquer aux chauffeurs qui viennent d’investir 3000 € dans un compteur qu’ils travailleront finalement au forfait comme les VTC (enfin pour ceux qui respectent la loi…) ?

La profession a certes beaucoup à faire pour se moderniser, mais cela ne passe certainement pas par l’instauration de l’opacité tarifaire comme nouveau pilier du taxi. Par contre, nous comprenons tout à fait la crainte du prix que peuvent ressentir nos clients occasionnels. L’application nationale que nous vous demandons de développer avec les pouvoirs publics pourrait tout à fait intégrer une fonction qui calculerait en temps réel une estimation du tarif au plus juste et cela sur n’importe quel trajet. De même, cette application nationale et la géolocalisation de l’ensemble de la flotte taxi permettrait aux usagers de localiser tous les taxis, ce qui minimiserait automatiquement les compteurs d’approches.

De plus, l’instauration d’un forfait taxi donnerait l’occasion aux différents acteurs du transport de personnes de fixer un prix inférieur tout en sachant que le Ministère des Finances n’aura pas la réactivité commerciale pour réagir. Les taxis se retrouveraient alors pénalisés car nos obligations sociales, fiscales et administratives ne nous permettront pas de nous aligner sur cette concurrence sauvage qui n’hésite pas à bafouer les lois nationales.

Pour toutes ces raisons, la CGT-Taxis vous demande de revenir à la réglementation et au taximètre qui doit protéger nos usagers comme les chauffeurs pour exercer un service en toute transparence et sans aucune confusion, pas de LOTI ni de forfaits  dans le TAXI !

Divers

A propos du paiement par carte bancaire, nous devons vous rappeler que le seul moyen de paiement obligatoire reste l’espèce.  De plus, et comme tous les prestataires de services nous pouvons légalement refuser les paiements en carte bancaire. Cependant, il est admis que ce dernier moyen de paiement se généralise et les taxis français sont d’ailleurs généralement équipés de terminaux CB. Par contre, le coût de ce mode de paiement impose l’établissement d’un prix minimum (20€ par exemple) en dessous duquel le chauffeur pourra refuser le paiement par CB.

Enfin, pour la couleur unique, nous souhaitons garder notre spécificité française car nous estimons qu’un lumineux, équipé de LED verte et rouge sur le toit suffit tout de même à nous différencier des autres véhicules. La couleur unique posera inévitablement le problème de la revente du véhicule qui se dépréciera du fait de l’abondance de véhicules de mêmes couleurs sur le marché.

Nous sommes bien sûr disposés à travailler avec vous sur l’avenir des taxis, même si vous l’avez compris nous en sommes certains, il convient déjà de régler le problème des VTC sans quoi les taxis n’auront plus lieu d’être.

Dans l’attente de vous rencontrer, veuillez agréer, Monsieur le Député, l’expression de nos sentiments distingués.

Pour la CSCC CGT-Taxis,

Un secrétaire : K. ASNOUN

 

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