La loi d’orientation des mobilités (LOM) va être débattue ce mois-ci au Sénat, avant de passer en avril à l’Assemblée Nationale. Nous savons que cette loi a subi de forte influence tout au long de son écriture et cela se ressent. Au lieu de régler de réels problèmes (maraude électronique, réservation, rôle des VTC,…) la LOM en fabrique de nouveau. Elle compte notamment dans sa version actuelle nous mettre sur un pied d’égalité avec les contrefaçons de taxis que sont les VTC en leur créant des emplacements de stationnement et en les autorisant à circuler dans les voies réservées. Bien sûr, les plateformes profitent de la bienveillance du gouvernement qui les encourage dans leur modèle de précarisation.
Projet loi n°157 rectifié d’orientation des mobilités
Titre Ier : Améliorer la gouvernance en matière de mobilités pour mieux répondre aux besoins quotidiens des citoyens, des territoires et des entreprises
Chapitre Ier : Organisation plus efficace des mobilités dans chaque partie du territoire
Article 1er
Élément de langage : transport devient mobilité. Le but : un meilleur maillage des territoires en termes de mobilités par la création d’autorité organisatrice de la mobilité -AOM- (région, intercommunalité,…). Les AOM auront compétences pour organiser tout type de mobilité (transport public, à la demande, usages partagés,…). Création de la notion de « mobilité active » (mode déplacement terrestre non motorisé : vélo, trottinette,…). Cas spécifique de l’île de France ou l’AOM sera Ile de France Mobilité. Détails des compétences d’île de France Mobilités (« organiser un service public d’auto-partage » par exemple). Possibilité pour les métropoles en tant qu’AOM de financer service ferroviaire ou « service en gare ».
Article 2
Les AOM pourront financer désormais des « services de mobilités » et non plus uniquement des « transports en communs », tout un symbole !
Position de la CSCC CGT-Taxis : C’est l’ouverture aux subventionnements par exemple, du covoiturage (déjà pratiqué par Madame Pécresse en Ile de France).
Si nous comprenons l’enjeu du covoiturage, il doit rester dans le cadre législatif défini il y a moins de 3 ans dans l’article L3132-1 du code des transports. Il ne serait pas acceptable que la LOM réécrive ce texte récent qui pose les bases du covoiturage, à savoir un transport « effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d’un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte ».
Le gouvernement devra également se prémunir de tout détournement du covoiturage, que cela soit le fait des plateformes organisatrices ou des utilisateurs de ces dernières. Le cas récent de CITYGO illustre tout à fait ce risque avéré.
A cette fin, la LOM devrait créer une notion d’agrément des plateformes (covoiturage mais aussi VTC, taxi,…) qui en cas de non respect des ses engagement se verrait signifier une désactivation administratives. Le caractère insaisissable de ces plateformes doit être anticipé par l’Etat qui devra s’assurer du respect de la législation sur le territoire national. Cela existe notamment à Londres.
Article 3
Spécificité locale région lyonnaise (création par ordonnance d’un établissement public au lieu du syndicat mixte des transports du Rhône).
Chapitre II : Renforcement de la coordination des AOM au service de l’intermodalité[1]
Section 1 : Coopération entre AOM
Article 4
Il y est précisé le rôle de coordination des régions entre les AOM. Création de comité consultatif des « partenaires », y compris en Ile de France.
Section II : Planification en matière de mobilité des personnes et de transport de marchandises
Article 5
Les plans de déplacement urbains (PDU) sont remplacés par des plans de mobilités, tant en milieu urbain que rural. Il y apparaît de nouveau la volonté de développer le covoiturage (« usages partagés des véhicules terrestres à moteur[2] ») sous l’égide de la puissance publique.
Position de la CSCC CGT-Taxis : Cette redéfinition des PDU ne devra pas modifier l’exclusion des LOTI des PDU de plus de 100 000 habitants prévus par la loi Grandguillaume (article 5 de la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016).
Pour mémoire, au moment de la loi Thévenoud (loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014), les plateformes VTC souhaitant contourner les exigences de formation des chauffeurs VTC se sont tournées vers les sociétés dites LOTI puisqu’aucune qualification n’était requise pour les chauffeurs dits LOTI.
Ce détournement du statut LOTI a créé un préjudice immense aux taxis. La LOM ne doit pas permettre en retour en arrière sur ce point.
Chapitre III : Mobilité solidaire
Article 6 : Les AOM pourront développer des « services de mobilité solidaires ».
Position de la CSCC CGT-Taxis : Les taxis qui offrent un maillage incomparable sur l’ensemble du territoire français, qu’ils soient urbains, périurbains ou rural, ont leur rôle à jouer dans le développement de mobilités solidaires s’ils bénéficient comme d’autre mode de transport de subvention ou d’exonération lors de ce type de prestation. Les mobilités, mêmes solidaires, doivent traiter les citoyens de manière égale. Que ces transports soit collectif ou particulier, chacun devrait pouvoir faire appel à des professionnels du transport respectant de srégles précises de sécurité, de couverture assurantielle, de standard de véhicule….
Article 7 : Mesures spécifiques pour personnes en situation de handicap (tarif, place stationnement avec recharge électrique,…).
Chapitre IV : Mesures spécifiques aux outre-mer
Article 8 : adaptation aux spécificités des outre-mer.
TITRE II : RÉUSSIR LA RÉVOLUTION DES NOUVELLES MOBILITÉS
Chapitre 1er : Accélérer l’ouverture des données et le développement des services numériques
Section 1 : Ouverture des données nécessaires au développement de service numériques de mobilités
Article 9
Transposition du règlement UE sur transmission des données « statiques et dynamiques » par, entre autres, les « opérateurs de transports », vers une interface numérique unique dite « point d’accès national ». Une compensation financière pourra être demandée à l’utilisateur de ces données (selon volume des données). Ces transmissions des données et leur utilisation se font sous le contrôle de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières.
Article 10
Transmission des données d’accessibilités des « transports » aux personnes handicapées et à mobilité réduite.
Section II : Services d’information et de billétiques multimodales
Article 11
Les AOM veillent à l’existence de service d’information présentant « tous les services de transport » à l’ensemble des usagers sur l’ensemble des modes de déplacements. Les critères de classements doivent être explicites et ne pas se fonder sur des « considérations commerciales ».
Position de la CSCC CGT-Taxis : La transmission de ces données doit servir aux contrôles informatiques du détournement de la maraude électronique par les VTC et par les plateformes VTC afin d’obtenir le respect de la législation (article L3120-2 du Code des Transports). Cela va de pair avec la création d’un agrément pour ces plateformes (voir ci-dessus le commentaire de l’article 2).
Nous demandons la création d’une application nationale publique TAXI qui permettra de faciliter la mise en relation des taxis et de leurs usagers.
Chapitre II : Encourager les innovations en matière de mobilité
Section 1 : Véhicules autonomes et véhicules connectés
Article 12
Tout mettre en œuvre législativement par ordonnance pour que les véhicules autonomes (« système de conduite automatisé ») circulent sur la voie publique.
Position de la CSCC CGT-Taxis : Les véhicules autonomes et la technologie en général se doivent d’être au service de l’humain. Pour cela, ces véhicules devront respecter les législations existantes, notamment en ce qui concerne le taxi. Si dans les années à venir ces véhicules servent à faire du transport de personne comme les taxis, alors ils devront respecter nos contraintes (notamment celle d’être titulaire d’une autorisation de stationnement). Les véhicules autonomes pourront ainsi contribuer à améliorer les conditions de travail des chauffeurs sans spoliation de ces derniers.
Article 13
Mise à dispositions des données des véhicules connectés, selon les circonstances, aux pompiers, secours, police et permettre modification à distance (« corrections télématiques[3] ») de certains paramètres de ces véhicules en cas de défaut de sécurité.
Section II : Favoriser les expérimentations des nouvelles mobilités
Article 14
Autoriser toutes expérimentations de « solutions nouvelles de mobilités dans les territoires peu denses » avec dérogations par ordonnance ! (Heetch rural).
Position de la CSCC CGT-Taxis : Cet article ouvre la porte à toutes les déréglementations, ça n’est pas acceptable. Tout faire reposer sur des ordonnances constitue pour nous une régression de notre démocratie puisque les chambres parlementaires sont reléguées à un statut d’observateur. Il suffit de constater l’anarchie que tente de créer les plateformes VTC depuis des années sous prétexte d’innover, alors que tout démontre que seul le profit anime ces plateformes qui ont activement participé à l’engorgement et donc à la pollution de nos villes.
On voit là clairement le lobbying des plateformes et l’influence de ces dernières sur le gouvernement. Souvenons-nous qu’un des actionnaires de Heetch présidait un des ateliers des « Assises de la Mobilités » préparatoire à cette loi. Nous ne partons pas d’une page blanche, la France propose de nombreux modes de transport (ou de mobilité) à même de répondre aux problématiques à venir.
Section 3 : Réguler les nouvelles formes de mobilité er renforcer la responsabilité sociale des plateformes de mise en relation par voie électronique
Article 15
Subventionner le covoiturage avec versement d’une « allocation » (inférieur au frais engagés) au passager ou au conducteur. Possibilité pour Ile-de-France Mobilités de créer des applications de mise en relation de covoiturage. Cet article prévoit la création de voie et d’emplacement de stationnement pour les transports en commun, les « véhicules de transport public particulier de personnes » (c’est-à-dire les VTC !), les véhicules de covoiturages, les véhicules à faibles émissions,…
Position de la CSCC CGT-Taxis : Cet article légitime le fait que les VTC auront des emplacements de stationnement réservés ainsi que l’accès à des voies de circulation réservées, comme les taxis ! Cela consiste à mettre sur un même niveau les taxis, titulaire d’une « autorisation de stationner » (ADS) et les VTC qui ne peuvent pas stationner sur la voie publique en quête de clientèle (article L3120-2 du Code des Transports).
Les seuls « transports publics particuliers de personnes « qui peuvent donc prétendre à un stationnement sur la voie publique sont les taxis. Cette formulation trop généraliste n’est donc pas appropriée.
La réalité est que nos stations de taxis sont le pendant de notre autorisation de stationnement et malgré le paiement d’une ADS et d’une taxe annuelle de stationnement, elles sont sans cesse amputer ou déplacer du fait des contraintes ou des évolutions de l’espace public. Les flottes de vélos en libre-service, les emplacements pour transport de fonds, les flottes d’autopartage, les modifications du Code de la route ont eu pour conséquence de supprimer de nombreuses places dans les stations de taxis de nos métropoles
Prétendre créer de nouveaux emplacements qui concerneraient des « véhicules de transport public particulier de personnes » sans autre précision ne serait donc pas conforme aux textes existants ni tenir compte de la réalité de nos espaces saturées.
Concernant les voies dédiées, là aussi, il faut tenir compte de la réalité des infrastructures françaises qui ne permettent pas une telle cohabitation. Nous ne disposons pas des infrastructures routières aux dimensions Nord Américaines par exemple. Nos voies sont déjà encombrées alors qu’ils n’y circulent que les bus, les taxis et les vélos.
Une jurisprudence existe d’ailleurs au niveau national comme européen qui justifie le choix des autorités réservant ces voies aux véritables transporteurs publiques, c’est-à-dire ceux fonctionnant avec un tarif réglementé comme les taxis et dont le nombre reste maitrisable et contrôles par les pouvoirs publics. Cela serait donc une erreur d’ouvrir ces voies à ce qui reste des utilisations individualistes et privé de l’espace publique dont en plus personne ne pourra maîtriser le nombre.
Il est intéressant par contre de noter qu’il est reconnu que la puissance publique peut créer une application de mise en relation (pour le covoiturage) alors qu’on nous le refuse pour les taxis depuis 2014 ! Nous rappelons donc, comme dans l’article 11, que nous demandons la création d’une application publique nationale (voire européenne) de mise en relation taxi.
Article 16
Mise en place de contrôle automatisé sur ces voies « réservées » (incluant contrôle nombre de passagers pour covoiturage).
Position de la CSCC CGT-Taxis : voir commentaires de l’article 15 sur ce même sujet.
Article 17
Redéfinition de ce que sont les frais dans le covoiturage.
Obligation pour les plateformes de mise en relation de vérifier le respect de la légalité de leurs livreurs.
Position de la CSCC CGT-Taxis : comme dit dans l’article 2, le covoiturage doit rester dans le cadre législatif défini il y a moins de 3 ans dans l’article L3132-1 du code des transports.
Article 18
Possibilité faible d’encadrer par les AOM les « nouveaux services de mobilités » (free floating…).
Article 19
Légalisation des Tuk tuk.
Position de la CSCC CGT-Taxis : Alors que les forces de l’ordre ont démontré n’avoir ni les moyens humains, ni les moyens technologiques pour faire respecter les textes concernant les VTC, il n’est pas raisonnable de légaliser un nouvel acteur qui s’est démarqué par ses nombreux écarts (racolage sur la voie publique, escroquerie…) vis-à-vis des touristes. Encore une fois, l’espace publique est limitée et déjà saturée par les VTC, dont la prolifération encouragée par des plateformes irresponsables, nuit à tous. Il a été démontré à New York mais aussi à Londres que les VTC participaient à l’engorgement de nos villes. Multiplier les acteurs sans faire évoluer les moyens de contrôle et au détriment des transports publics va à l’encontre de l’objectif visé par la LOM. Encore une fois, nous devons rappeler que l’espace public n’est pas extensible.
Article 20
Déresponsabilisation sociale des plateformes.
Position de la CSCC CGT-Taxis : Cet article traduit la volonté du gouvernement de défendre les plateformes dans la casse des protections des travailleurs. C’est une régression inacceptable.
Titre III : Développer les mobilités propres et actives
Chapitre Ier : Mettre les mobilités actives au cœur des mobilités quotidiennes
Article 21
Possibilité pour les maires de déroger au Code de la route pour les « engins de déplacement personnel » (trottinettes, gyropodes, rollers…).
Article 22
Définition des « mobilités actives » : ensemble des modes de déplacements où la force motrice humaine est nécessaire avec ou sans assistance motorisée. Mesures pour lutter contre le vol des vélos (identification et fichier). Créations de stationnements sécurisés pour les vélos dans les gares.
Chapitre II : Développer des infrastructures pour le déploiement des véhicules propres
Article 23
Mesures visant à favoriser le développement des véhicules électriques (équipement des parkings notamment).
Article 24
Idem article 23, concerne notamment places extérieures.
Article 25
Mesure visant à favoriser la production de gaz pour des moyens de transport.
Chapitre III : Dispositions relatives à la promotion des usages propres et à la lutte contre la congestion
Article 26
L’employeur peut prendre en charge les frais de déplacement « propre » (vélo ou covoiturage) des employés dans la limite de 400 € par an.
Article 27
Mise en place dans les EPCI[4] de plus de 100 000 habitants de plan d’action en faveur de la qualité de l’air.
Article 28
Les « zones à circulation restreintes » deviennent des « zones à faibles émissions » avec mise en place de moyen de contrôle automatisé.
Chapitre IV : Améliorer le contrôle du marché des véhicules et des engins mobiles non routier à moteur
Article 29
Mise en place d’une surveillance du marché des moteurs thermique et de leurs émissions polluantes.
TITRE IV : PROGRAMMATION DES INVESTISSEMENTS DANS LES TRANSPORTS
Article 30
Programmation financière et opérationnelle des investissements de l’État dans les systèmes de transports jusqu’en 2027 avec différents objectifs (remédier à la saturation des villes, favoriser le covoiturage…).
TITRE V : SIMPLIFICATION ET MESURES DIVERSES
Chapitre Ier : Renforcer la sûreté et la sécurité
Article 31
Protéger les inspecteurs du permis de conduire. Conditions de rétention du permis de conduire et de la confiscation du véhicule étendues (alcool, stupéfiants, refus dépistage, + 40 km/h, usage du téléphone).
Article 32
Recours possible aux équipes cynotechniques dans les réseaux SNCF et RATP.
Position de la CSCC CGT-Taxis : La CGT-Taxis demande que la LOM intègre la création d’un service interne de sécurité de type GPSR (article L2251-1 du code des transports) dans les aéroports français, notamment les deux plus grands, Charles de Gaulle et Orly. Il y a en effet urgence à sécuriser les aérogares qui sont devenues des zones de non-droit où les passagers sont sans cesse harceler et escroquer par des racoleurs.
Article 33
Périmètre d’intervention du GPSR dans la perspective d’ouverture à la concurrence.
Article 34
Droit des « installations à câbles » et des « remontées mécaniques ».
Chapitre II : Améliorer la compétitivité du transport maritime et fluvial
Article 35, 36 et 37
Concernent le transport maritime et fluvial
Chapitre III : Outils de financement, de régulation et de modernisation
Article 38 et 39
Mesures concernant le réseau de transport de surface et l’ouverture à la concurrence le 1er janvier 2025.
Article 40
Extension du champ des agents de péage, renforcement de l’arsenal répressif contre fraude au péage.
Chapitre IV : Mesures diverses
Article 41
Mesures concernant les dockers.
Article 42
Transport routier et accord de branche.
Article 43
Négociation collective de la branche ferroviaire.
Article 44
Réseau ferroviaire
Article 45
Drones
Article 46, 47 et 48
Espace ferroviaire unique européen
Article 49
Installation de services reliés au réseau ferroviaire.
Article 50
Conducteur de train.
Ce qui n’est pas abordé dans la LOM et qui aurait mérité d’y être selon la CSCC CGT-Taxis : Il est par contre regrettable que les questions fondamentales pour l’assainissement du secteur du transport de personne restent sans réponses dans la LOM. À quand par exemple une définition claire et précise de ce qu’est vraiment une réservation ? La LOM n’aborde pas non plus la question de l’identité des VTC qui ne sont pour l’instant que de pâles copies des taxis. Enfin, la constitution d’un fonds de garantie visant à indemniser les taxis qui ont connu une forte dévalorisation de leur autorisation de stationnement devrait faire parti de la LOM. Il est bien sûr entendu que ce sont les responsables de ces bouleversements, l’État et les nouveaux arrivants (plateformes VTC et VTC) qui devront alimenter ce fonds. La LOM devrait se soucier de ces problématiques afin de répondre à ces problèmes réels.