Remarques de la CGT-Taxis suite à la réunion « Fonds de garantie » du 13 mai 2016

Fonds de garantie pour les taxis (suite de la réunion du 13 mai 2016)

Chambre Syndicale des Cochers Chauffeurs CGT-Taxis

Rappel

Le syndicat CGT-Taxis avait proposé la création d’un tel fonds, lors des discussions avec le député M. Grandguillaume. Nous pensons effectivement  que, le système de transfert des autorisations de stationnement  taxis (ADS) a clairement démontré ses limites et ses incohérences en poussant les chauffeurs de taxis dans des situations insupportables.

Une crise conjoncturelle et structurelle

En effet, même si aujourd’hui ces phénomènes sont limités géographiquement, la dévalorisation des ADS de plus de la moitié de leur valeur en quelques mois a créé des situations insoutenables pour les chauffeurs lourdement endettés, qui les obligent aujourd’hui à rembourser des crédits disproportionnés sans lien avec la réalité de l’activité.

Ce système de transfert officialisé a longtemps été contesté par notre organisation, mais malheureusement l’Etat a choisi  par la loi n°95-66 du 20 janvier 1995, dite « loi Pasqua » de légitimer la capacité pour un chauffeur titulaire d’ADS de présenter un successeur à titre onéreux, comme l’a rappelé à juste titre Madame KERENFLEC’H le 13 mai dernier.

Bien entendu, la situation actuelle, particulièrement tendue, notamment en Ile de France, dans les grandes Villes et sur la Côte d’azur, du fait de la dérégulation du secteur et de la multiplication des contrefaçons de taxis, explique en grande partie l’effondrement de la « valeur » des ADS dans certains de ces endroits.

Mais nous affirmons également que cette crise est structurelle et que ce système de transfert d’ADS sans régulation n’a fait que durcir les conditions de travail des chauffeurs. Pour prendre l’exemple du taxi parisien de ces dernières années, le « prix » de l’ADS a certes doublé en dix ans, mais il s’est accompagné également par un doublement de la durée d’endettement. Cela signifie bien que l’activité n’a pas augmenté puisque le temps nécéssaire au remboursement d’une ADS a également doublé.

Le patronat du taxi a d’ailleurs une lourde responsabilité dans la situation que nous vivons aujourd’hui. Par le développement de la location,  un système inhumain maintes fois condamné par des actions menées en justice par l’avocat de la CGT-Taxis depuis les années 1990, le patronat du taxi a contribué au surenchérissement des ADS car les chauffeurs locataires ou salariés étaient prêts à tout pour quitter leurs conditions précaires.

Nous regrettons donc qu’il faille une crise pour que l’Etat reconnaisse la faillite de ce système libéral. Dans de nombreux pays nos collègues chauffeurs de taxis n’ont pas eu besoin de s’endetter et ils s’en portent tout aussi bien, étant soit salariés, soit indépendants selon les pays.

Dans ce contexte, où des chauffeurs se retrouvent avec un endettement largement supérieur à ce qu’ils pourraient espérer en revendant leurs ADS, ce fonds apparait comme une nécessité urgente. C’est là un des moyens de construire une organisation équitable. Il ne s’agit pas de vendre ou d’enterrer le taxi, bien au contraire. Mettre fin à cette prépondérance du capital ne signifie nullement « vendre le métier ». D’ailleurs, pour la plupart d’entre nous le fait d’avoir acheté une ADS ne nous a pas préservés de cette déréglementation sauvage !

Sur vos propositions et pistes de réflexions :

Le principe du fonds de garantie (page 9)

La CGT-Taxis regrette l’aspect facultatif du recours au fonds. La création de ce fonds implique une reconnaissance des échecs du système libéral de transferts et de valorisation financière d’une autorisation administrative. Pourquoi alors laisser ce système perdurer et se développer ? Seul le retour à une incessibilité totale des licences permettra d’assainir ce système.

La CGT est favorable à la création d’un système où le chauffeur de taxi serait salarié d’une structure communale/départementale avec la mise en place d’une convention collective attractive. Cela serait une structure de modèle RATP (Régie autonome des transports parisiens) ou RTM (Régie des transports marseillais). Ce sont des régies de transport qui ont fait leurs preuves. En parallèle à cette structure salariale, des indépendants pourront exploiter personnellement une ADS (dans le cadre de la loi Thévenoud).

A qui s’adressera le fonds ? (page 10)

Pour la CGT-Taxis, le fonds concerne  les chauffeurs titulaires d’ADS qui les exploitent eux-mêmes directement. Ce fond devra donc exclure les titulaires d’ADS qui n’exploitent pas eux-mêmes personnellement leurs ADS.

Le gouvernement doit cependant prendre des mesures pour récupérer les ADS non exploitées ou exploitées illégalement, et ce afin de les redistribuer aux chauffeurs salariés et locataires en activité inscrits sur la liste d’attente. Nous demandons également que toutes les ADS délivrées gracieusement à des entreprises ou à des artisans déjà titulaires d’une ADS soient récupérées par l’administration afin de les redistribuer aux chauffeurs des listes d’attente. Concernant Paris, la CGT-Taxis demande également la récupération des autorisations de « doublages » afin de les distribuer aux chauffeurs inscrits sur la liste d’attente.

Les principales orientations du fonds (page 11)

Le prix de rachat sera basé sur le prix d’acquisition (page 11, 14 et 15): cela semble légitime. Il devra cependant inclure une revalorisation selon le nombre d’années d’exploitation effective et directe  de l’ADS par le titulaire (et non seulement de « détention », page 15).

Pour les titulaires d’ADS gratuites délivrées avant la loi 2014-1104 du 1er octobre 2014 et exploitées personnellement, la période travaillée en tant que salarié ou locataire participera au décompte des années totales d’exploitation. Dans la mesure où il n’y pas de prix d’acquisitions à ces ADS ceci permettra de prendre en compte les années de travail en tant que salarié ou locataire durant lesquelles l’ADS de l’entreprise aurait été amortie. Chaque année sera ensuite considérée pour le calcul d’une indemnité.

Concernant les ADS acquises par les chauffeurs après la création du fonds (p.15) et comme il a été déjà dit à plusieurs reprises, nous ne comprenons pas comment pourront cohabiter le marché spéculatif et le fonds. Pour la CGT-Taxis, cela est incompatible.

Le fonds devra s’autofinancer (page 11, 14 et 16) : hormis une redevance annuelle mesurée et pondérée sur une ADS délivrée gratuitement, il ne serait pas juste que les chauffeurs de taxis soient surtaxés pour payer les conséquences d’un système (loi Pasqua) et d’une dérégulation (loi du 22 juillet 2009) engendrés par les services de l’Etat.

Si l’Etat n’abroge pas la loi, qui est à l’origine de la prolifération des contrefaçons de taxis, l’Etat doit prendre ses responsabilités, par exemple en taxant 10% supplémentaire sur le CA ces nouveaux acteurs (plateformes et leurs chauffeurs) en s’engageant financièrement à verser au fonds de garantie le fruit de cette taxation.

Les différents gouvernements successifs nous ont assuré, et ce depuis plusieurs années de leur confiance en l’avenir du taxi. Vous avez là l’occasion de démontrer cette confiance par un engagement concret. Il nous semble possible, par exemple que l’Etat verse au fonds 4,5 points  de TVA sur les 10%  du CA que versent aujourd’hui les chauffeurs de taxis et que les RSI fassent de même. Cela permettrait d’abonder rapidement le fonds afin de solutionner les cas d’indemnisations les plus urgents.

Calendrier et méthode (page 12)

Si nous comprenons le temps nécessaire à la rédaction d’une loi solide, il est fondamental, comme la CGT-Taxis vous l’a dit lors de la réunion du 13 mai dernier de renforcer immédiatement les cellules d’urgences.

Nous sommes aujourd’hui en difficultés pour renégocier les crédits d’ADS des chauffeurs endettés. Nous avons besoin d’une mise en relation directe et simplifiée avec le médiateur du crédit ainsi que d’un soutien de l’Etat dans ces renégociations, qui sont essentielles pour beaucoup d’acheteurs d’ADS de ces derrières années. C’est une mesure transitoire indispensable pour éviter des faillites et les drames humains inhérents à ces situations de détresses.

Consultation sur les modalités d’accès au fonds (page 17)

Prioriser en fonction de la perte de valeur de l’ADS :

Pour la CGT-Taxis, les chauffeurs qui subissent la plus grande perte de valeur sont évidemment prioritaires, car ils sont dans la plus grande difficulté à ce jour. Par contre, dans les zones où il y a peu de transferts d’ADS il sera difficile de mesurer cette donnée. Il conviendrait effectivement pour ces chauffeurs aux difficultés avérées de reconsidérer les conditions de durée d’exploitation.

Il est bien entendu que pour la CGT-Taxis, seuls les chauffeurs qui exploitent eux-mêmes et personnellement  leur ADS sont concernés.

La création d’une commission paritaire d’experts serait indispensable pour la gestion du fonds.

Bien évidemment, nous rappelons que la mise en place de ce fonds devra bien sûr s’accompagner de mesures complémentaires indispensables pour le retour d’un équilibre économique.

24/05/2016