Le taxi, ce secteur économique qui regroupe plus de 55 000 travailleurs, est en train de perdre la tête. Beaucoup diront que le taxi n’a jamais eu de tête d’ailleurs et cela n’est pas faux.
Une volonté politique
Les gouvernements successifs depuis des années n’ont en effet jamais eu d’autre volonté concernant notre secteur réglementé que de casser la loi de 1937 qui assurait un certain équilibre économique aux taxis.
Ils ne se sont souciés de nous toujours en tentant de privilégier les intérêts de quelques-uns au détriment de l’intérêt commun. Nous pourrions citer l’immonde loi Pasqua de 1995 qui a profondément désorganisé le taxi ou le rapport destructeur Attali commandé par Sarkozy en 2007 à l’origine de la création des contrefaçons de taxis. Les pouvoirs successifs n’avaient donc aucun intérêt à avoir une gouvernance démocratique, seule voie vers un taxi fort, organisé et uni.
Les Cochers Chauffeurs ont lutté contre ces lois et ces projets qui ont pour point commun de mépriser les conditions de travail des chauffeurs de taxi et donc, par conséquent, de peu se préoccuper de la qualité du service rendu au public. Dans ces combats, la CGT-Taxis a toujours dénoncé ce problème majeur qu’est l’absence de démocratie dans les instances administratives censées représenter les taxis.
Dans notre charte revendicative on trouve en première position cette exigence d’obtenir enfin un système démocratique :
1) Mise en place de la démocratie :
a) La mise en place de la démocratie est un préalable indispensable et indissociable d’une véritable politique du taxi.
b) Cela passe par l’élection par les chauffeurs de leurs représentants syndicaux dans les commissions professionnelles (plénières, disciplines…).
c) Tous les chauffeurs, quels que soient leurs statuts (salariés, locataires/locataires gérants et artisans sans employés) devraient participer à l’élection de leurs représentants selon le principe où « un chauffeur = une voix ».
d) De même, dans le sens de la démocratisation de la commission de discipline, réclamée par notre syndicat depuis 1994, nous demandons que cette commission soit présidée par un juge compétent et indépendant.
e) Droit à l’information syndicale : mise en place de panneaux d’affichages syndicaux sur les principales stations, dans les centres de formations professionnelles ainsi que dans les entreprises.
f) Il faut également améliorer les rapports entre la police et les chauffeurs via un dialogue avec les syndicats professionnels.
g) Il faut également la mise en place d’un véritable dialogue démocratique dans l’intérêt de la profession et du public (personnel ADP, SNCF, mairies, organismes de transport régional…)
Une représentativité éclatée
Cette absence de démocratie ne permet pas une représentativité juste, c’est une évidence. Mais cela permet aussi à quiconque de s’autoproclamer plus représentatif que le voisin. Cela a entraîné ces dernières années une inflation du nombre de représentants, puisque fédérations, syndicats et associations se sont multipliés, et cela semble sans fin. Pour mémoire, lorsque nous avons été reçus à Matignon suite à la semaine de grève de janvier 2016, nous nous sommes retrouvées à plus d’une dizaine d’organisations ! Cela nuit évidemment à la tenue d’un discours cohérent et efficace face aux autorités.
Or, les représentants de l’État que nous rencontrons n’attendent que ces discours multiples pour éviter de répondre aux vraies problématiques. La multiplication des voix ne fait qu’ajouter de la confusion à notre discours collectif. Nous en devenons souvent inaudibles. Les autorités poussent le cynisme jusqu’à feindre de s’étonner du nombre déraisonnable d’organisations taxis. C’est pourtant la conséquence directe de leur refus d’organiser des élections dans notre profession !
Des changements étaient censés intervenir suites aux grèves de 2014, 2015 et 2016 où, face à l’ampleur de la déréglementation, les pouvoirs publics ne pouvaient plus éviter cette question de la représentativité. Malheureusement, une fois de plus, les textes parus refusent encore la démocratie aux chauffeurs puisque les membres du Comité national créé par le décret n° 2017-236 du 24 février 2017 ne seront non pas élus mais nommés :
« Art. D. 3120-18.-Le Comité national comprend cinquante membres au plus dont un président et un vice-président. Les membres sont nommés par arrêté conjoint des ministres chargés des transports, de l’économie, de la santé et de l’intérieur. Le président est nommé parmi les membres représentant l’État et le vice-président est nommé parmi les autres membres. »
« Aucun critère de désignation » !
La Ministre des Transports se prévaut de cet argument d’ailleurs dans sa réponse(disponible ci-dessous) à notre courrier pour dénoncer la composition et le mode de sélection du Comité national. Elle rappelle ainsi que le décret ne prévoit « aucun critère de désignation » ! Une fois de plus, ce gouvernement comme les précédents, semble face à la question du taxi oublier leurs valeurs démocratiques et l’élection, fondement de la démocratie, semble être devenu à leurs yeux une sombre machination !
Mais cette réponse indigne des représentants de notre démocratie ne leur suffit pas. La Ministre croit bon de rajouter que malgré le fait qu’il ne soit pas obligé d’avoir des critères de sélection, le gouvernement a tout de même pris en compte des critères. Pas de vote donc mais des critères subjectifs ! C’est par exemple le nombre d’adhérents des syndicats et fédérations qui est pris en compte. Cela n’a évidemment pas de sens dans le contexte français qui présente un des taux de syndicalisation les plus faibles des pays de l’OCDE, soit 8 % environ. Et les 92 % restants ? Ils sont quantités négligeables ? Encore une fois et comme le réclame la CGT-Taxis depuis toujours, seuls des élections permettraient à tous les chauffeurs de s’exprimer en ralliant telle ou telle revendication.
Le résultat est que ce Comité national est devenu obsolète dès sa création. Comme nous le rappelions à la ministre dans notre courrier pour dénoncer cette situation, ce Comité national exclut de nombreuses catégories de chauffeurs de taxi. C’est par exemple l’aspect « national » de ce Comité qui semble mal approprié puisque au moins un tiers des chauffeurs de taxi de France n’y sont pas représentés : les taxis parisiens. En effet, aucune des organisations de chauffeurs de taxi désignées dans le Comité dit « national » ne fait partie de la commission locale du taxi parisien. Ce sont donc de manière certaine près de 20 000 chauffeurs de taxi (30 % environ des taxis en France) qui sont oubliés. À cela s’ajoute la non-représentation des taxis non titulaires de leur licence puisque seules des organisations patronales ont été choisies. Autant dire que si tu es taxi salarié et de plus taxi parisien, c’est la double peine !
Au vu de ces manquements manifestes qui décrédibilisent ce Comité national des transports publics particuliers de personnes, la CGT-Taxis a demandé à la Ministre, de modifier cet arrêté et de mettre en place une véritable mesure d’audience des organisations professionnelles et syndicales afin de constituer un véritable Comité national représentatif de la profession taxi. Cela passe évidemment par l’organisation d’un vote ou une carte professionnelle serait égale à une voix. Sans cela, le taxi restera toujours sans tête…