Le vote de la loi Macron a été l’occasion pour le groupe communiste au sénat de dénoncer la passivité des pouvoirs publics face à la multinationale Uber. Ils en ont profité également pour faire part de leur opposition ferme au projet imminent de tarification forfaitaire voulu par le gouvernement dans le taxi. Malheureusement, ce souci de justice et de défense de notre profession ne semble pas être partagé par les autres groupes politiques. Les chauffeurs doivent savoir qui vote pour tuer notre métier et quels sont ceux sur lesquels nous pouvons compter.
Contre Uberpop et la passivité des pouvoirs publics
Séance du 9 avril 2015 (compte rendu intégral des débats)
« M. le président. L’amendement n° 1410, présenté par Mme Assassi, M. Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première et la seconde phrases du premier alinéa de l’article L. 3122-1, après le mot : « chauffeur », il est inséré le mot : « professionnel ».
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino, Sénateur Communiste de l’Oise. Cet amendement vise à attirer l’attention sur la situation de concurrence déloyale introduite par la société Uber, avec son service Uber Pop. Ce dernier met en relation des passagers et des automobilistes qui ne sont pas des chauffeurs professionnels via une application pour smartphone.
Ce service crée une forme de concurrence déloyale – certains parlent de dumping social –, car il recourt à des particuliers qui ne paient pas de cotisations sociales, ce qui est préjudiciable pour eux-mêmes, déloyal à l’égard des conducteurs professionnels et dangereux pour l’équilibre de la sécurité sociale. Par ailleurs, les usagers peuvent être victimes de l’amateurisme de conducteurs qui ne sont soumis à aucun contrôle sérieux.
Après la location chez les taxis et l’introduction du système des VTC, qui a provoqué la vive colère des taxis, nous en arrivons au degré ultime de la libéralisation et de la déréglementation de ce secteur.
Depuis le 1er janvier 2015, les textes légaux visent à interdire l’activité d’Uber, mais cette société cherche à outrepasser cette interdiction depuis l’année dernière, profitant de failles que les pouvoirs publics laissent subsister de manière incompréhensible. En effet, la société Uber a soulevé deux questions prioritaires de constitutionnalité, dont l’une portant sur la régulation des tarifs, dans l’espoir qu’elles soient transmises au Conseil constitutionnel. Cette société a également déposé deux plaintes auprès de la Commission européenne. Le but évident de ces procédures est de gagner du temps pour installer la marque et assécher le vivier des chauffeurs.
Nous appelons les pouvoirs publics à tout faire pour que l’interdiction de l’application Uber Pop soit effective. Nous constatons qu’une telle interdiction a été possible dans d’autres pays de l’Union européenne, comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni.
Notre amendement vise à mettre fin à une situation insupportable pour la profession, préjudiciable pour les usagers et contraire à l’intérêt général.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur le sénateur, la commission spéciale comprend l’esprit de votre amendement. Ce service est en effet illégal et s’apparente à une activité de faux taxi.
En revanche, je ne pense pas que la précision apportée par l’ajout de l’épithète « professionnel » au titre des VTC changera quoi que ce soit à cette difficulté. En effet, le code des transports prévoit déjà que les conducteurs de VTC doivent justifier de compétences professionnelles.
Vous l’avez rappelé, il convient en outre d’attendre la position qu’adopteront la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel sur la question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article de la loi Thévenoud interdisant la mise en relation de particuliers avec des conducteurs qui ne seraient pas des professionnels. En attendant, il est toujours possible pour la police des transports de verbaliser les conducteurs Uber Pop, qui sont en infraction avec la loi.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, je pense que votre amendement est satisfait par le droit positif. En effet, les articles L. 3122-7 et L. 3122-8 du code des transports disposent bien que les conducteurs de VTC « justifient d’aptitudes professionnelles », d’une part, et ils prévoient la délivrance d’une carte professionnelle, d’autre part.
Permettez-moi de revenir quelques instants sur cette question, qui est importante.
Tout d’abord, il est nécessaire d’exercer un contrôle sur ces sociétés qui embauchent des professionnels. Je rappelle que quelque 350 contrôles ont été effectués par les services de l’État à Paris et dans les grandes agglomérations depuis le début de l’année et transmis au parquet. On ne peut donc pas nous reprocher un excès de libéralisme ou je ne sais quoi d’autre !
Un service particulier a été développé par la compagnie Uber, qui s’appelle Uber Pop. Il s’agit d’un mixte entre un covoiturage organisé et un service non professionnel. Nous avons avancé sur ce sujet grâce à une décision du tribunal de commerce d’octobre 2014, et l’action judiciaire suit son cours.
Du reste, l’ajout du terme « professionnel » que vous proposez dans votre amendement ne permettrait pas de couvrir davantage que le droit positif la situation d’Uber Pop.
Le Gouvernement continuera à lutter contre ce service qui, en effet, ne correspond pas à l’esprit de notre réglementation, et nous persévérerons dans notre volonté de protéger et d’encadrer correctement ces activités.
Dans le même temps, il existe une activité encadrée, outre l’activité de taxis, qui est celle des voitures de transport avec chauffeur, ou VTC : dans ce cas, les chauffeurs sont bien des professionnels, et cette activité est régulée. Or il faut aussi que cette activité puisse se développer, parce qu’elle suscite de l’embauche. Elle crée des emplois, notamment des emplois peu qualifiés.
Ainsi, monsieur le sénateur, je vous invite à retirer l’amendement n° 1410 ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bosino. Plutôt que d’une création d’emplois, il s’agit d’une mise en opposition d’emplois ! En effet, le système Uber Pop créera peut-être quelques emplois, mais il en mettra assurément d’autres en cause ailleurs, détruisant des emplois de professionnels qui, eux, paient des cotisations à la sécurité sociale et chargent les passagers en toute sécurité.
Vous nous parlez de 350 à 400 contrôles, mais il faut mettre ces chiffres en relation avec le nombre de véhicules qui circulent avec cette société. On se rendra compte alors que ces contrôles sont une goutte d’eau par rapport à la réalité de cette société.
Vous nous dites qu’ajouter le terme « professionnel » n’améliorerait pas la situation. Il faut donc aller plus loin : proposez-nous effectivement des contrôles et des dispositifs plus importants que ceux qui existent ! En effet, nous avons le sentiment que, pour l’instant, rien n’est fait réellement pour empêcher le développement de cette société.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1410.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 129 :
Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 30
Contre 310 »
Contre la tarification forfaitaire
Séance au sénat du 9 avril 2015 (compte rendu intégral des débats)
Mme Laurence Cohen, Sénatrice Communiste du Val de Marne : « L’article 8, tel qu’il a été amendé par la droite, suscite notre opposition. Les quelques dispositions qui pouvaient être utiles dans le texte initial ont été supprimées et celles auxquelles nous étions déjà opposés ont été aggravées. La droite pousse encore plus loin la logique libérale du texte, ce qui n’est pas pour nous étonner ; nous y reviendrons.
Permettez-moi également, à l’occasion de cette intervention sur article concernant les VTC, les voitures de transport avec chauffeur, et les taxis, de revenir sur une problématique connexe, à savoir la tentative du Gouvernement d’imposer le forfait aux taxis, alors qu’aucun acteur ne le revendiquait.
Ces forfaits concerneraient notamment les courses entre Paris et les aéroports dans les deux sens, ainsi que les courses d’approche. Cette tarification n’est-elle pas injuste, non seulement pour les chauffeurs, mais aussi pour les usagers ? En effet, quoi de plus juste que le taximètre, puisque le client ne paie que ce qu’il consomme ?
Est-il normal qu’un client partant du terminal 1 de Roissy-Charles-de-Gaulle et se rendant porte de la Chapelle paie le même prix que celui qui part du terminal 2G du même aéroport pour se rendre à la porte de Saint-Cloud ? Est-il normal qu’un chauffeur qui travaille un dimanche ou la nuit gagne autant qu’un chauffeur de jour et en semaine ? Renoncer à la tarification horokilométrique, c’est renoncer à ce qui caractérise les taxis.
Alors que le Gouvernement a ouvert l’activité aux VTC, il aggrave les conditions d’exercice des taxis en leur imposant sans cesse de nouvelles contraintes. À ceux dont le seul argument pour défendre le forfait est de prétendre « moderniser » le taxi, il faut rappeler que les VTC se battent actuellement pour avoir le droit à la tarification horokilométrique.
Est-ce à dire que les VTC veulent faire du taxi et que le Gouvernement veut que les taxis fassent du VTC ? C’est le monde à l’envers ! Ce constat témoigne du désordre que la libéralisation de la profession de taxi a suscité depuis des décennies.
Quant aux couloirs censés faciliter la circulation et promis depuis 2008, ils n’existent pas dans les deux sens et ne couvrent pas la totalité des trajets ni des autoroutes reliant les aéroports à Paris.
De plus en plus de chauffeurs se mobilisent contre ce projet de forfait. Pour un tarif des taxis transparent et juste pour les chauffeurs et les usagers, pour éviter la confusion avec les VTC, pour respecter le travail des chauffeurs, nous pensons, comme eux, qu’il faut défendre le taximètre et la tarification horokilométrique.
En revanche, il nous semble qu’une réflexion s’impose quant à la déclinaison de cette logique tarifaire chez les taxis parisiens. Le système actuel des trois tarifs inclut la non-obligation de desservir les départements au-delà de ceux de la première couronne.
Sans modifier la zone de charge, une obligation de destination pourrait être établie pour l’ensemble des départements d’Île-de-France, avec pour corollaire l’introduction d’un quatrième tarif, par exemple. Une telle solution permettrait de faire cesser une situation préjudiciable pour les usagers et contribuerait positivement à l’équilibre économique de la profession. »