Le groupe communiste républicain et citoyen aux côtés des chauffeurs contre la location et la location gérance

Après avoir combattu le forfait et la passivité des pouvoirs publics contre Uberpop, le groupe communiste au sénat dénonce la fable de la location gérance, comme la CGT l’a toujours fait d’ailleurs. Les chauffeurs de taxis doivent s’unir et se battre contre cette nouvelle forme d’exploitation qui ne leur permettra pas de vivre dignement.

Sénat
Séance du 9 avril 2015 (compte rendu intégral des débats)

L’amendement n° 1043, présenté par Mme Assassi, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud, Sénatrice Communiste des Côtes-d’Armor. « Mes chers collègues, je vous rappelle tout d’abord que le locataire-gérant comme le locataire ne sont ni propriétaires de leur outil de travail – en l’occurrence, leur véhicule –, ni titulaires de la licence de taxi.

Permettez-moi ensuite de dresser le tableau peu reluisant de l’actuelle situation des locataires. Ni le repos dominical ni les congés payés annuels ne sont obligatoires et, de fait, ils ne sont ni respectés ni sanctionnés. Les conducteurs locataires n’entrent pas dans le champ des règles d’hygiène et de sécurité ; ils ne relèvent pas de la médecine du travail. Ils n’ont pas de représentants élus du personnel, ni de délégués syndicaux, ni de droits syndicaux. En cas de rupture ou de non-renouvellement de leur contrat, ils ne bénéficient pas des indemnités de chômage.

Toutes les formes de location sont condamnables par leurs effets négatifs. Elles entraînent l’allongement inconsidéré des journées de travail, encore aggravé à Paris par le protocole du 28 mai 2008, qui a ajouté la onzième heure, et l’augmentation de l’amplitude horaire par la multiplication des coupures, ce qui pose le grave problème de la sécurité du chauffeur et, bien sûr, du client. Elles font de ces travailleurs des exclus de la juridiction salariale.

À ce tableau désastreux s’ajouterait donc, avec ce projet de loi, le fait que le locataire-gérant, contrairement au locataire actuel, ne serait pas couvert en cas d’accident du travail. Ce serait une première ! Ce projet de loi est décidément bien anachronique !

On peut d’ailleurs se demander s’il est raisonnable dans le contexte actuel d’enlever 6 000 à 8 000 cotisants du régime général de la sécurité sociale. En effet, jusqu’ici – paradoxalement – les locataires y cotisaient.

L’abolition de la location associée à une nouvelle convention collective est le seul moyen de sécuriser véritablement les relations contractuelles entre les employeurs et les chauffeurs.

La volonté des grandes sociétés de location de se défaire définitivement des cotisations patronales dues et d’éviter la requalification par la justice des contrats de location en contrats de travail par l’établissement de la location-gérance existe depuis bien longtemps. En outre, dans la pratique, l’exploitation du taxi par l’intermédiaire de la location-gérance, comme précédemment par la location, fait naître un lien de subordination. Par conséquent, l’instabilité juridique est loin de disparaître !

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons d’adopter notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Madame la sénatrice, je souhaite apporter quelques précisions sur les points que vous avez soulevés.

La fin du mécanisme de la location taxi est l’une des mesures importantes de la loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, qui a organisé le transfert avant 2017 des contrats de location taxi, que vous avez mentionnés, vers le régime général de la location-gérance.

Le régime de la location taxi, comme vous avez eu raison de le dire, était un régime qui bénéficiait entièrement aux loueurs de l’autorisation de stationnement et qui maintenait les locataires dans un statut de dépendance équivalent à celui d’un salarié sans bénéficier des mêmes droits. Il a été mis fin à ce régime exorbitant du droit commun.

L’alinéa 15 vise uniquement à assurer une coordination avec la fin de ce régime. Il abroge, à compter du 1er janvier 2017, la disposition du code de la sécurité sociale qui visait spécifiquement la location taxi.

Par conséquent, si vous supprimez l’alinéa 15, vous empêchez la simple mise en cohérence d’une disposition d’un code avec la réforme que la Haute Assemblée a votée par ailleurs et qui me semble aller, précisément, dans le sens que vous désirez.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je remercie M. le ministre de nous avoir donné une explication claire. En effet, cela fait suite au débat que nous avons eu sur la loi Thévenoud… Je ne sais pas si l’on a encore le droit de prononcer ce nom ! (Sourires.)

Cette loi visait à mettre fin à un système d’exploitation que vous avez bien décrit. Il s’agissait en effet de faux locataires, c’est-à-dire en fait de salariés sous-payés. On leur imposait un certain nombre d’heures pour rembourser la location. L’entreprise mettait à disposition des locataires non seulement le véhicule, mais aussi la licence, et parfois les locataires devaient en outre assurer l’entretien du véhicule et payer un certain nombre de choses. On avait donc décidé de mettre fin à ce système.

Il y aurait donc trois catégories, me semble-t-il : premièrement, le taxi artisan, propriétaire de sa licence, le salarié – je ne sais pas s’il y en aura dorénavant – et le locataire-gérant. Dans ce dernier cas, un véritable contrat devra s’instaurer entre la compagnie et le locataire-gérant.

Cependant, je ne sais pas si le locataire-gérant est propriétaire de sa licence. Si j’ai bien compris, il loue la licence, même si un certain nombre de garanties ont été apportées par rapport au locataire, mais je ne me souviens plus desquelles.

La question que pose le groupe CRC est la suivante : le locataire-gérant est-il encore un salarié dissimulé, qui n’aurait ni droits ni salaire garanti, et qui subirait une pression importante pour rembourser la licence, ou bien les garanties que nous avons mises en place lors de l’adoption de la loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur sont-elles suffisantes pour que l’on puisse considérer que le locataire-gérant s’organise lui-même sans faire l’objet d’une exploitation ? Le locataire-gérant dispose-t-il d’une marge d’initiative et peut-il s’en sortir financièrement ?

M. le président. Madame Prunaud, l’amendement n° 1043 est-il maintenu ?

Mme Christine Prunaud. Oui, il est maintenu, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1043. »

(L’amendement n’est pas adopté.)